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Rolls-Royce Griffon |
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Le Rolls-Royce Griffon était un moteur douze cylindres en V à 60° d'une cylindrée de 36,70 litres (alésage de 152,4 mm pour une course de 167,64 mm) et d'une puissance maximale de 2.550 ch, soit une puissance au litre de 69,50 ch. Son poids à sec était de 898 kg pour un modèle 65, 816 kg pour les types précédents dotés d'un compresseur à un étage. Développé à partir de 1938 et opérationnel en 1942, le Griffon était le descendant du Merlin (lui-même héritier du modèle "R" conçu par Reginald Joseph Mitchell pour les hydravions de la Coupe Schneider) dont il conservait l'architecture globale, son hélice cependant tournait en sens inverse.
De nombreuses prouesses techniques furent nécessaires à son élaboration qui offrait alors plus de 1.000 ch de plus pour une cylindrée supérieure d'environ neuf litres par rapport à son prédécesseur, et cela pour un régime de rotation identique. Notamment, les quatre soupapes par cylindre de la taille d'une sous tasse à café l'une, le volume important du circuit de refroidissement (le liquide était composé de 70% d'eau pour 30% d'éthylène glycol), la fiabilité du vilebrequin supportant 70% de couple de plus, les segments des pistons nécessitant une résistance peu commune et surtout des précisions d'usinage très pointues, un compresseur mécanique devant fournir un volume d'air à une pression jamais encore atteinte, tout cela décrit les difficultés surmontées par ses concepteurs.
Il faut aussi replacer l'étude du Griffon et sa réalisation dans le contexte de l'époque où l'Angleterre, pour cause de guerre, manquait surtout de matériaux et alliages stratégiques et devait se contenter d'aciers et de métaux basiques. En effet, les convois maritimes approvisionnant ses industries étaient fréquemment la cible des sous-marins allemands dans l'Atlantique ou d'attaques de bombardiers tels que les Messerschmitt Bf 110 ou Heinkel He 111 lors des traversées en Méditerranée ou dans le Pacifique selon l'origine des matériaux en provenance d'un des pays des colonies britanniques.
De conception plus élaborée, ce moteur était supérieur à son illustre aîné, le Merlin, il était d'un meilleur rendement mais en contrepartie était plus rugueux et nerveux et son maniement devait être réservé à des pilotes avertis. Sa formidable puissance qui passa de 1.700 ch (Griffon II, III et IV) à 2.400 ch (Griffon 83) en trois ans conférait des performances exceptionnelles aux chasseurs qu'il équipait. Ce fut le cas du chasseur Spitfire Mk. XIV et du PR19 de reconnaissance photographique.
On peut dire que le Griffon fut le dernier des moteurs V-12 en ligne à refroidissement liquide, ce fut aussi le plus élaboré et le plus puissant. En effet, on annonçait déjà, lors de sa fabrication, l'arrivée prochaine des réacteurs qui pour les premiers, offraient 800 kg de poussée, c'est à dire une puissance exprimée en cheval vapeur d'environ 5.000 ch en rapport aux 2.400 ch du Griffon.
Le Griffon équipait les chasseurs embarqués Fairey Firefly et Supermarine Seafire, le CA 15, certains chasseurs Supermarine Spitfire (Mk. XII, XIV, XVIII, XIX, 21, 22, 24 pour les derniers modèles après 1946), son dérivé de reconnaissance Spitfire PR19 et le Spiteful.
Les formidables ressources du Griffon lui valurent d'être aussi choisi pour équiper l'Avro Shackleton, descendant du bombardier Lincoln, lui-même issu du très célèbre Lancaster doté de quatre propulseurs Merlin. Ce grand quadrimoteur de patrouille maritime doté d'hélices contre rotatives était capable d'emporter un équipage de vingt hommes avec du matériel et de voler plus de seize heures au-dessus des océans.
Pour cet appareil lourd, le Griffon avait été sélectionné, plus pour sa capacité de couple que pour sa puissance au régime de croisière d'environ 1.850 tr/min en mode "servitude, transport, bombardement, poursuite maritime à haute charge, longues heures de fonctionnement", le régime maximum admissible étant de 2.275 tr/min. Ses rivaux britanniques, Bristol Hercules et Centaurus, modèles à disposition en étoile, très fiables malgré leurs caractéristiques singulières, sans soupapes, à chemises louvoyantes et de cylindrées supérieures, furent écartés du fait d'un couple inférieur à celui du Griffon, bien qu'offrant des puissances de plus de 2.500 ch.
Les spécialistes saluent encore de nos jours le haut degré de compétence du constructeur Rolls-Royce, le génie de son créateur Mitchell, pour avoir réussi à fabriquer à une époque où l'on ne maîtrisait que rarement des technologies avancées d'usinage proches de celles de l'horlogerie. Le Griffon est entré par la grande porte dans l'histoire des machines exceptionnelles, légendaires, tout comme son aîné, le Merlin. Un très bel exemplaire statique de ce moteur est exposé au Musée du Cinquantenaire à Bruxelles.
Il n'existe actuellement que six Spitfire équipés d'un Griffon en état de vol de part le monde. Le célèbre collectionneur britannique Stephen Grey fait voler le dernier exemplaire à base d'une cellule de Mk. XIV, lors de meetings comme celui de Duxford en Angleterre et aussi plus rarement en France.
Anecdotes :
Dans les années 1950, un ancien pilote de chasse américain, Gilles Gradler, a équipé pour s'amuser, une camionnette pick-up Chevrolet d'un moteur Griffon placé à l'arrière et l'a fait rouler sur le Lac Salé. Le véhicule d'un poids de deux tonnes à atteint la vitesse de 240 km/h, seule la tenue de route hasardeuse de l'engin l'empêcha d'aller plus vite.
Dans les années 60/70, des amateurs ont équipé quelques tracteurs agricoles d'un moteur Griffon acheté aux surplus de l'armée pour participer à des courses. Ces compétitions consistaient à traîner une charge de cinq tonnes avec les meilleures accélérations possibles sur des distances réduites. Plus de dix participants ont gagné les premières places, grâce à ce propulseur en se mesurant avec des Allison V-1710 ou des Packard Merlin. Certains de ces moteurs, remis aux normes après les courses équipèrent pour un temps réduit quelques avions de servitude comme le Lockheed Electra d'avant-guerre qui opéraient principalement au Canada ou au Mexique.
Le document d'origine de ce texte a été aimablement fourni par Richard Marciniak.